L’instruction primaire à Boissières
Les archives municipales de Boissières sont une mine de documents divers qui permettent de dresser un état des lieux de l’école du village au fil des trois siècles passés.
Malgré sa petite taille, la commune a toujours accordé de l’importance à l’instruction, aussi bien des filles que des garçons. Elle a souvent fait des efforts financiers pour se conformer aux demandes de l’état.
L’école a aussi suivi les mouvements de l’histoire, comme vous pourrez le constater en lisant les extraits suivants.
Il y avait une école à Boissières en 1708, car une délibération du 2 février 1708 précise que le régent des écoles (c’est-à-dire l’instituteur), le sieur Robert, sera payé 120 livres par an, et ses gages seront payés à l’avance par tranches de 30 livres.
En 1710, il est noté qu’André Roux, membre du conseil communal, a payé au maître d’école Robert 30 livres d’avance, mais que la quittance a été égarée.
Le 19 décembre 1735, « … depuis quelque temps le sieur Robert Mayer, régent des écoles du présent lieu, sollicitait certains particuliers de Boissières dont les enfants sont obligés par leur âge … d’assister aux messes et instructions des paroisses… » Sinon une procédure de paiement d’amendes serait mise en place.
En réalité, ce Robert Mayer fournit de faux certificats aux parents des enfants qui ne vont pas à la messe. Il leur demande une somme de 16 livres et 10 sols sous la menace de les dénoncer. Il est parvenu à faire prélever cette somme par les consuls.
En 1735, il n’y a officiellement que des catholiques. On fait la différence entre anciens catholiques (ceux qui l’étaient avant la révocation) et nouveaux catholiques (NC). La plupart des NC sont restés plus ou moins secrètement protestants, et certainement une très grande partie des habitants de Boissières. Toutefois, il s’agit là de la parole de la communauté (protestante). On pourrait être en présence d’une manœuvre pour licencier un régent un peu trop catholique. Exactement à la même époque à Calvisson éclate une affaire de protestants qui ont agressé des jésuites venus dire la messe.
En avril 1738 le conseil municipal décide de maintenir dans ses fonctions le sieur Chassefière, régent d’école, dont l’évêque de Nîmes a prononcé l’expulsion.
La communauté accuse le curé d’avoir fait renvoyer Chassefière. Le curé fait fonction de régent s’il n’y en a pas. Ils vont demander le maintien de Chassefière auprès de l’évêque ou son remplacement par un autre. Ils lèvent un impôt de 120 livres pour payer ce régent. On peut supposer qu’ils ne veulent pas verser cet argent au curé, l’accusant en plus de très mal écrire et d’être incapable d’enseigner aux enfants … ou plus simplement, ils ne veulent pas d’un curé comme régent pour leurs enfants.
En octobre 1746 on sait que le régent des écoles reçoit un salaire de 150 livres.
Une délibération du conseil de la communauté de Boissières, datée du 28 septembre 1787 évoque des travaux à faire pour, notamment:
« … la construction de deux pièces de maison, dont une pour y loger le régent des écoles… »
Ce document daté du 26 avril 1794 met en place l’instruction primaire dans les communes de France.Les communes trop petites peuvent choisir de se rattacher à une autre plus importante.
Les instituteurs seront choisis par les conseils municipaux. C’est ensuite un jury d’inspection qui leur délivrera (ou pas) un certificat de capacité.
Les instituteurs sont logés par les communes. Ils reçoivent une rétribution acquittée par les parents d’élèves, et déterminée par le conseil municipal. Cependant les familles ne pouvant pas payer cette rétribution en seront exemptées par le conseil municipal.
(Le document intégral peut être consulté en cliquant sur ce lien :
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- M. Soulier, déjà régent des écoles à Boissières se porte candidat pour ouvrir une école à Boissières le 2 avril 1794 :
« Je soussigné (prénom illisible) Soulier, ancien régent des écoles de cette commune de Boissières, déclare à la municipalité
1° que je suis dans l’intention d’ouvrir une école
2° d’apprendre à lire, écrire et les premières règles de l’arithmétique
3° enfin je produis mon certificat de civisme et des bonnes mœurs conformément au décret du 29 frimaire dernier
A Boissières ce treizième Germinal l’an second de la république une et indivisible »
Le 14 mai 1794 aucune commune ne voulant se joindre à Boissières, le conseil municipal décide de ne pas créer d’école primaire et de garder l’école particulière :
« … cette commune a une école particulière qui suffit pour l’enseignement des enfants … il serait impossible de trouver un logement pour l’instituteur primaire… »
Grâce à un arrêté de la préfecture du Gard, du 23 août 1845, on sait que 15 enfants fréquentent l’école de Boissières, dont 4 admis à titre gratuit.
L’arrêté du 31 octobre 1848 précise que 25 enfants sont en âge de fréquenter l’école.
Le règlement adopté par le conseil académique du Gard, le 17 octobre 1851 nous éclaire sur l’instruction primaire au milieu du 19e siècle.
– les enfants sont admis à l’école de 6 à 13 ans
– ils doivent avoir été vaccinés
– dans les écoles mixtes, garçons et filles sont séparés par une cloison d’1,50m dans la classe. Ils entrent et sortent à des heures distinctes.
– ils ne vont pas à l’école le jeudi, le dimanche et les jours de fêtes consacrées. Les vacances scolaires sont déterminées par le recteur, en général de fin août à octobre.
– les absences doivent être justifiées
– ils reçoivent des récompenses (bons points, médailles prix, etc…) ou des punitions pouvant aller jusqu’au renvoi définitif.
– ils doivent parler uniquement français en classe
– ils apprennent au minimum l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française, le calcul et le système légal des poids et mesures.
– la classe a lieu de 8 à 12 heures et de 13 à 16 heures.
– la religion catholique est omniprésente, crucifix sur les murs, cours toujours précédés ou suivis d’une prière, lecture de textes religieux. L’instituteur doit conduire les élèves aux offices les dimanches et fêtes consacrées, ainsi qu’au catéchisme. Cependant l’article 41 précise que les dispositions relatives à l’enseignement et aux exercices religieux ne sont applicables qu’aux enfants qui appartiennent au culte catholique
Le document intégral peut être consulté en cliquant sur ce lien : https://share.orange.fr/#bmCiieeZrt2311988745
En 1857 le maire et l’instituteur, Louis Roger, dressent l’ « inventaire du mobilier et archives de l’école publique des deux sexes de la commune de Boissières ».
Seuls le bureau du maître et la cloison séparative entre filles et garçons sont en bon état.
Sont en état médiocre : la chaise du maître, les 8 tables avec bancs, les 9 tableaux noirs, les 38 tableaux de lecture, les 6 cartes géographiques sur toile.
Le poêle est presque hors de service.
Dans une lettre datée du 17 décembre 1858, adressée au maire de Boissières, le Préfet du Gard dit avoir reçu de l’inspecteur d’académie un rapport « duquel il résulte que la salle d’école et le logement de l’instituteur laissent à désirer. » Il demande au maire de « m’indiquer les moyens que vous vous proposez d’employer pour atteindre le but que je viens de vous signaler. »
Le 24 août 1859 le juge de paix de Sommières informe le maire de Boissières qu’un arrêté préfectoral « accorde un jour de congé extraordinaire, le samedi 27 du même mois, aux élèves des écoles primaires de garçons et de filles du département, en récompense de leur empressement à confectionner des bandes et de la charpie pour nos soldats blessés de l’armée d’Italie. »
Le registre matricule de tous les enfants reçus à l’école de l’année 1860 nous apprend :
– que l’instituteur est Louis ROGER, qu’il a été nommé à Boissières le 13 février 1854, et que son traitement annuel s’élève à 921,50 francs (200 francs de traitement fixe et 721,50 francs de rétribution scolaire)
– que 36 enfants, 18 filles et 18 garçons sont inscrits, nés entre 1846 et 1856
– qu’un enfant bénéficie de la gratuité de l’enseignement, et tous les autres paient la rétribution scolaire
– que la commune de Boissières compte 252 habitants
En août 1862, conformément à une circulaire préfectorale relative à la fondation d’une bibliothèque scolaire, le conseil municipal vote un budget pour l’achat de livres « quoique la commune soit en présence d’une forte dépense […] et que ses ressources soient absorbées par les divers services communaux… ». L’achat de l’armoire bibliothèque avait déjà été prévu dans le devis de réparations de la maison d’école.
La loi Duruy du 10 avril 1867 (qui a notamment permis de développer l’enseignement primaire féminin, la fréquentation des écoles et leur gratuité, et qui a rendu l’enseignement de l’histoire et de la géographie obligatoires) stipule que toute commune de plus de cinq cents habitants doit se doter d’une école publique pour les filles, qui peut être une section au sein de l’école communale.
Si l’école est mixte – c’est souvent le cas dans les petites communes –, une femme est nommée par le Préfet pour les travaux d’aiguilles pour les filles. Le financement est assuré non par l’Etat mais par les communes.
Cette loi est un compromis qui autorise les communes qui le souhaitent à financer la gratuité de leur(s) école(s) par la création d’une « imposition extraordinaire ».
En 1867 Boissières compte 260 habitants et est pourvue d’une école mixte dirigée par un instituteur. Les ressources budgétaires de la commune ne lui permettent pas d’établir la gratuité ou partielle dans l’école publique.
Le conseil municipal, qui s’est réuni le 10 août 1867, délibère à l’unanimité « que la seule disposition de la nouvelle loi qui lui paraisse susceptible d’être appliquée à la commune, c’est la désignation d’une femme pour diriger les travaux à l’aiguille des filles. »
Dans le Journal des exercices de classe, année 1877, on trouve les précisions suivantes :
– les élèves sont à l’école du lundi au samedi, sauf le jeudi.
– le 1er janvier est un jour de congé
– les vacances d’été commencent le lundi 20 août et se terminent le samedi 6 octobre
– le dernier jour d’école en 1877 le samedi 22 décembre
Les matières enseignées sont l’instruction religieuse (catéchisme, évangile, histoire sainte), la lecture, l’écriture, la langue française et le calcul. Les matières facultatives sont les travaux à l’aiguille pour les filles, le dessin et la géographie.
En mai 1878 les instituteurs du Gard sont avertis, par un courrier de l’inspecteur primaire, de la visite de M. Brouard, inspecteur général de l’université, et des points sur lesquels il insiste le plus.
Celui-ci « s’attache aux emplois du temps, aux répartitions des matières, aux programmes mensuels modifiés selon les besoins de l’école rurale.
Il exige le journal de classe, ou, plutôt, un carnet quotidien attestant 1° la préparation des leçons par le maître ; 2° la suite des leçons et des devoirs donnés dans chacune des branches d’enseignement et indiquant que l’on procède avec méthode ; 3° le travail réellement fait chaque jour par les élèves.
Dans ses interrogations, il s’assure que tout n’est pas livré au mécanisme, à la mémoire, et que les enfants de chaque division sont formés aux exercices d’intelligence. »
L’inspecteur primaire termine sa lettre ainsi : « Je n’ai pas besoin de dire que les instituteurs ou les institutrices qui ne se conformeraient pas strictement aux recommandations précitées s’exposeraient à être réprimandés officiellement. »
En cliquant sur le lien ci-dessous, vous verrez un exemple d’emploi du temps des élèves pour l’année scolaire 1894-95.
https://share.orange.fr/#S1HA4VU4582311985874